LA PREHISTOIRE:
L homme de Biache

Un extrait d'un article de Alain TUFFEAU
paru dans LE PAS DE CALAIS (éditions : projets éditions)




    Le paléolithique moyen, qui se définit par la présence d'un outillage sur éclat bien standardisé et l'utilisation du débitage levallois qui permet de prédéterminer la morphologie des éclats à partir d'une mise en forme particulière du nucleus, a laissé de nombreux témoignages dans le département. Les plus anciens vestiges sont le biface et les quelques lames levallois qui ont été découverts par G. Guilbert et A. Lefebvre dans la plage fossile observable à la base de la falaise de Sangatte. Cet ancien niveau marin remonte probablement à la phase récente du complexe interglaciaire holsteinien (320000 ans).

Durant la phase ancienne du paléolithique moyen qui s'achève avec le dernier interglaciaire (eémien), coexistent les premières industries moustériennes (Biache-Saint-Vaast, Beaumetz-les-Loges) et les dernières industries acheuléennes (Bapaume, Étaples, Vimy, Mont-Saint-Éloi).
Les fouilles de Biache-Saint-Vaast ont permis de mieux connaître le mode de vie des hommes du paléolithique moyen. Il s'agit incontestablement de chasseurs, et non plus de charognards se nourrissant d'animaux morts naturellement ou tués par d'autres prédateurs. En effet, le grand nombre d'individus appartenant à certaines espèces (ursidés, bovinés, rhinocéridés) indique une sélection due à la chasse. Les ossements recueillis à Biache-Saint-Vaast sont très fragmentés et présentent souvent des traces de coups de silex résultant des activités culinaires. La chasse aux grands mammifères nécessitait une certaine cohésion sociale avec des groupes plus importants qu'une simple famille. Ces hommes nous sont connus par les fragments de deux crânes appartenant à des formes archaïques de néandertaliens (homo sapiens neanderthalensis) dont l'un était un sujet féminin encore relativement jeune alors que l'autre, de par sa morphologie, était plus âgé et de sexe masculin.

Biache Saint Vaast
premiers crânes humains du gisement paléolithique moyen
environ 200 000 ans

Il n'est pas inintéressant de relever que ces crânes se trouvaient au milieu de nombreux fragments osseux d'animaux et qu'aucun vestige humain postcrânien n'a été découvert.
Le choix du site de Biache Saint-Vaast dans un fond de vallée, au contact entre le haut et le bas pays n'est pas aléatoire car une telle situation était favorable à la présence des grands mammifères. Il fut fréquenté à plusieurs reprises, vers 200 000 ans, lors de fluctuations climatiques tempérées se situant à la fin de l'avant-dernier interglaciaire. Lorsque des conditions périglaciaires survinrent, les hommes abandonnèrent la région. La végétation était, lors de la période de réchauffement maximum, caractéristique d'un paysage assez ouvert avec des bosquets comprenant des espèces thermophiles dont le chêne. Le pin et le bouleau prédominaient massivement lors des interstades moins chauds. Les fouilles ont montré que les chasseurs de Biache-Saint-Vaast installaient leurs campements dans le lit majeur de la rivière ou sur le replat voisin. L'usage du feu est attesté par la présence de charbons de bois et de silex brûlés. Certaines zones étaient réservées à des activités spécialisées : taille du silex, dépeçage des carcasses, consommation de la viande. Cependant, aucune trace de cabane, comparable à celles du paléolithique supérieur,n a pu être décelée en raison certainement d'un comportement différent de celui de l'homme moderne (homo sapiens sapiens).
Ces chasseurs utilisaient des éclats Levallois, et pièces retouchées en racloirs et en pointes. Les études tracéologiques (examen de l'usure des silex taillés) ont révélé que beaucoup de pointes retouchées étaient emmanchées et utilisées à la manière d'un couteau. Le travail du bois fut important ce qui montre sans doute qu'un grand nombre d'armes était en bois (pieux utilisés à la chasse).

La phase récente du paléolithique moyen (du début du dernier glaciaire à 35 000 ans), qui correspond à celle des hommes de Néandertal classiques, est connue par de nombreux gisements (Corbehem, Tortequesne, Hermies, Rinxent), qui ont livré des séries lithiques Caractéristiques des différentes industries moustériennes. Ces dernière, qui diffèrent par la composition typologique de leur outillage, seraient le témoignage de plusieurs traditions culturelles ou d'activités différentes. Comme pour les périodes précédentes, la région était désertée lors des périodes très froides.
Histoire du Nord Pas de Calais
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