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LEON TRULIN
1897-1915
Originaire de ATH (Belgique) il est fusillé le 8 novembre 1915 dans les fossés de la citadelle de Lille.
Texte de Monsieur René Deruyck. "Lille dans les serres Allemandes" aux éditions La Voix du Nord |
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![]() Léon TRULIN |
Le 5 novembre 1915, au terme d'une audience sommaire, d'un jugement parodique, dans la salle du Tribunal militaire allemand, sise dans les bureaux du journal La Dépêche, rue Nationale, le verdict suivant fut rendu :
condamnation à mort et perte des droits civiques à perpétuité. quinze ans de prison et cinq ans de perte des droits civiques. |
La sentence fut soumise, deux jours plus tard, au maître tout puissant de la ville de Lille,
le général von Heinrich, qui entérina la mise à mort de Trulin (18 ans),
sans qu'aucun recours en grâce pût être effectué,
commua les peines de mort de Derain (18 ans) et de Marcel Gotti (15 ans)
en travaux forcés à perpétuité,
maintint les 15 ans de réclusion de Lucien Deswaf (18 ans),
de Marcel Lemaire (17 ans) et d'André Hermann (17 ans),
en leur ôtant, toutefois, la perte du droit civique, et l'acquittement
de Marcel Denèque (17 ans). Le 8 novembre, dans les fossés de la Citadelle, le jeune Trulin, que le bâtonnier lillois Philippe Kah appela " L'adolescent chargé de gloire ", dans le livre vibrant qu'il lui consacra, fut fusillé. De toutes, l'affaire Trulin fut la plus douloureusement ressentie fut celle qui laissa des traces indélébiles, - chaque année, on commémore sa disparition - sûrement en raison de sa jeunesse, du contexte et de l'épouvantable intransigeance d'un gouverneur militaire. |
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![]() le général von Heinrich |
Comment en étions-nous arrivés à cette fin tragique ? Léon Trulin était l'avant-dernier enfant d'une modeste famille qui comptait huit enfants, originaire d'Ath, entre Tournai et Mons, en Belgique. Le père était un artisan plombier-zingueur, qui s'éteignit à quarante-trois ans, bientôt suivi dans la tombe par son deuxième fils, Arthur, âgé de 20 ans. Chassée par la pauvreté qui la menaçait, la famille vint s'installer, à La Madeleine-les-Lille, puis à Lille. Elevé dans les sentiments catholiques, Léon fréquenta les écoles laïques Victor Hugo, à La Madeleine, puis Monge, à Lille. Pour soulager pécuniairement sa famille, Trulin, dès la mi-juin 1910, se fit apprenti dans une maison de pelleteries et de fourrures en gros. Un accident, au cours duquel il se brisa le genou gauche, l'immobilisa durant huit longs mois. Ce garçon, pieux, idéaliste, sans le moindre doute, se consacra, par la force des choses, à la lecture ; il s'exalta aux exploits de Buffalo Bill et autres héros des récits d'aventures de l'époque. Cette inaction forcée joua, psychologiquement, un rôle important dans le comportement futur de ce garçon, ouvert et turbulent. |
Il gagna l'Angleterre, en juin 1915, pour prendre du service sous le drapeau belge, mais les autorités de ce pays, n'acceptèrent pas l'engagement de ce jeune garçon, quelque peu malingre. Chagriné par ce refus, il prit langue, incidemment, avec un officier anglais, qui, conquis, lui donna une mission d'essai, consistant à fournir des renseignements d'ordre militaire. Mission accomplie, il gagna à nouveau Folkestone, en août, et fut, dès ce moment-là, investi d'un travail plus difficile, plus précis, un peu inconsidérément, au reste, car il ne disposait d'aucun soutien. Fut donc créé le système Noel Lurtin (anagramme de Léon Trulin) ou Léon 143. Sa mine avenante, sa détermination lui procurèrent assistance, à droite et à gauche, car il ne réintégra pas le domicile familial, dans la crainte d'exposer les siens : avec prémonition, il sentait rôder autour de lui un vague danger qu'il n'identifiait pas. Vivant chichement, hébergé par des gens séduits par ce garçon décidé, il entreprit avec ses amis, Raymond Derain, Marcel Lemaire, André Hermann, Lucien Deswaf et Marcel Gotti, sa collecte des renseignements réclamés. Un autre jeune homme figure au centre de l'affaire : Marcel Denèque, par qui le malheur serait venu. Le rôle tenu par ce dernier est mal défini. Etait-il partie prenante dans l'organisation ou ses apparitions furent-elles épisodiques ? Dans une ultime lettre à sa mère, Trulin dit "je vous demande de pardonner à D... ce qu'il a fait, je lui' ai pardonné, c'est la parole d'un condamné qui vous le réclame... " Contraste : il avait offert, quelques heures auparavant, au même Denèque, son épingle de cravate... Non seulement Denèque sauva sa tête, mais il fut lavé, de justesse, il est vrai, de sa félonie supposée. Il écopa, cependant, de vingt ans de prison, pour avoir dénoncé une femme qui avait eu l'imprudence de lui acheter du blé. Doit-on considérer la dureté de cette dernière condamnation comme l'antidote de la clémence du verdict de l'inculpation principale ? Denèque " donna-t-il " le réseau Trulin ? Capturé, avec Derain , alors que tous deux s'astreignaient à se glisser sous les fils barbelés et électrisés, qui séparaient Putte-Cappelen des Pays-Bas, Trulin fut-il la victime d'une dénonciation ou, simplement, du hasard ? Les protagonistes disparus, on en est réduit aux conjectures, bien que, au lendemain de la guerre, lendemain encore frémissant d'une effroyable tragédie, où la colère exsudait, la conviction de beaucoup fût établie : la trahison était incontestable. |
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