LOUISE DE BETTIGNIES
1880-1918


née près de Saint-Amand, le 15 juillet 1880, Elle dirige un réseau de renseignements dans le Nord de la France, elle fut arrêtée par les Allemands en 1915 et mourut en prison.


LOUISE DE BETTIGNIES : ENTRE CARMEL ET PATRIE
Texte de Monsieur René Deruyck.
"Lille dans les serres Allemandes" aux éditions La Voix du Nord


  Curieux destin que celui de Louise de Bettignies : à l'orée de la guerre, elle s'apprêtait à entrer dans les Ordres, mais ce besoin de dévouement qu'elle portait en elle, cette vie qui l'animait, fit qu'elle opta pour une existence dangereuse, tellement exaltante , du service de Dieu, elle passa à celui de la patrie, avec la même ferveur.

Louise de Bettignies "Alice Dubois"

   I l est possible que le rapprochement de Dieu de cette jeune fille, élevée, toutefois, dans la religion catholique, fut la conséquence d'un dépit amoureux : on le suppute, sans plus. Cette vie intense qui émanait d'elle, cependant, ne la prédisposait pas à entrer au Carmel.
Louise était le septième et l'avant-dernier enfant, la dernière fille, d'Henri de Bettignies, de bonne noblesse, " qui remontait, disait elle avec une fierté non dissimulée, au Saint-Empire. " Sa mère était une Mabille de Poncheville. Des revers de fortune de ce faïencier de Saint-Amand, sa mort, laissèrent sa famille avec des ressources plus modestes. Ces conditions furent aussi, peut-être, les raisons de son célibat.


   Louise de Bettignies, contrairement à la majorité des jeunes filles de l'époque, réservées à d'autres fins, était sportive : elle montait à cheval, nageait et se révélait une excellente marcheuse, qualités qui vont lui être d'un apport souverain dans ses tribulations d'espionne. Elle avait, également, reçu une instruction soignée : elle parlait couramment l'anglais, l'allemand et l'italien, et était diplômée de la réputée université d'Oxford; elle séjourna aussi en Italie, en Pologne et en Bohême et refusa de devenir la gouvernante des enfants de François-Ferdinand d'Habsbourg, dont l'assassinat fut le prétexte de la Grande Guerre.



   Petite, nerveuse, elle n'était pas jolie, mais elle dégageait un charme auquel on se dérobait malaisément. L'arrivée des Allemands la surprit en son domicile du 166 de la rue d'Isly, à Lille - sa mère séjournait à Saint-Omer, ville préservée de l'invasion -, où elle vivait en compagnie de sa vieille bonne. Elle effectua rapidement un voyage en Angleterre, où son sang froid, son intelligence, sa détermination et sa connaissance des langues allemande et britannique convainquirent les responsables de l'Intelligence Service de lui proposer de les seconder. Elle eût pu se mettre à la disposition des services français d'espionnage, mais elle choisit l'Angleterre, dans un souci d'efficacité : les Anglais mirent à sa disposition des sommes d'argent que ne pouvaient fournir les Français.
Louise, qui prit le nom de guerre d'Alice Dubois, ne manquait pas de relations, elle forma une bonne équipe, vite rompue à la tâche requise, consistant en la quête de renseignements précieux, qu'il fallait, ensuite, acheminer jusqu'en Grande-Bretagne via la Belgique occupée et les Pays-Bas, au milieu de mille trébuchets.
   Elle lia connaissance avec une jeune infirmière roubaisienne, de condition modeste, Marie-Léonie Vanhoutte, tout aussi poussée par le désir, irrépressible, d'apporter sa contribution au sauvetage de la patrie. Elle en fera son lieutenant, sous le nom de Charlotte.
Les deux jeunes femmes, déjouant les multiples traquenards, avec un aplomb imperturbable, accomplirent les missions qui leur étaient confiées. Quinze à vingt fois, c'est-à-dire qu'elle s'infiltra quelque quarante fois dans les zones à hauts risques, Louise de Bettignies se rendit en Grande Bretagne.

Marie Léonie Vanhoutte "Charlotte"
  Son rayonnement, sa pétulance, cette fascination, faite à la fois d'attirance, d'emprise et de réserve, qu'elle exerçait, lui concilièrent des complicités partout, notamment, en Belgique et aux frontières.
Louise de Bettignies, qui s'était extirpée des situations les plus périlleuses, tomba, bêtement, aux mains des occupants, trop confiante dans son destin, dans cette supériorité qui lui avait permis de duper à plusieurs reprises ses ennemis.
Elle commit deux fautes grossières, dont la première n'eut pas la moindre conséquence, mais la seconde se révéla fatale.

   Tout d'abord, elle alla dormir, à Estaimpuis, dans la chambre, naguère occupée par " Charlotte " à qui, le 25 septembre 1915, lors d'un éloignement du chef du mouvement, s'était enferrée dans une chausse-trape placée par un policier allemand, qui s'efforçait d'entrer dans le réseau d'Alice Dubois.
Les Germains, qui avaient jeté la courageuse Roubaisienne au cachot, connaissaient ce refuge et l'on s'interroge encore sur les motifs de son absence de surveillance.

   Alice Dubois devait être amenée, en chariot, à la frontière, par l'un de ses collaborateurs, Ernest Lamote, généralement accompagné par sa fille, dans ce genre d'expédition.
Cette dernière s'était récusée, mais Louise tenait à ce qu'une passagère fût présente, afin d'égarer les éventuels soupçons
L'ennui fut que la jeune fille qui fit le voyage jusqu'à Tournai, Marguerite Le François, était démunie de passeport et reçut, de Lamotte, celui obligeamment mis à disposition par une demoiselle Synaeve, d'Herseaux.
Il était déraisonnable de se présenter avec un passeport pour deux.

  Louise passa outre, laissa franchir la frontière par son accompagnatrice, se fit ramener le sauf-conduit par un gamin, et se porta, à son tour, de l'autre côté du barrage, sans éveiller les soupçons, les laissez-passer n'étant pas munis de photographies.


   Ce fut alors que les deux jeunes filles, plaisantant et riant Marguerite Le François ignorait tout , attirèrent l'attention de deux civils méfiants, qui les interpellèrent : Louise chut, ainsi, victime d'invraisemblables circonstances.
   Elle avala une note compromettante, et l'on découvrit, sur elle, cinq ou six pièces d'identité différentes son sort était réglé. Elle sera incarcérée six mois dans la prison de Saint-Gilles, à Bruxelles, où les Allemands emploieront les moyens les plus divers et les plus sordides pour la faire parler, avant d'être condamnée à mort le 2 mars 1916, peine commuée en travaux forcés à perpétuité, pour " Trahison commise pendant la guerre, en pratiquant l'espionnage.

   Transférée à Siegburg, où son caractère rebelle s'exprimera encore dans son refus de fabriquer des têtes de grenade, elle s'affaiblira dans le froid, tenaillée par la faim, et, mal soignée, elle finira par souffrir d'un abcès pleural. Le 15 avril 1918, elle subira une intervention chirurgicale dans des conditions atroces. Envoyée à Cologne, devant le déclin irréversible de sa santé, elle mourra le 27 septembre 1918. Elle était âgée de 38 ans.

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